L’invisible, la reconnaissance

 Il y a encore de la beauté à aller
chercher au versant de l’ombre

Gérard Titus-Carmel
L’invisible est un creux dans le visible
Maurice Merleau-Ponty

 

Même sous les yeux et les mains, le paysage reste souvent insaisissable, nous confronte  à la perte.
Le jour, la lumière reviennent dans quelques couleurs seules et sombres.
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Le regard retient la pauvreté des couleurs, c’est-à-dire leur nudité nécessaire.
Le paysage laisse voir la terre, le ciel, les chemins qui les gardent et les traversent, leur perte soudaine dans le regard.
De son désir d’errer, sa jouissance à s’égarer,  se perdre souligne Claude Ollier.
Il n’y a pas d’éclat, à la vue de ce qui manque à la vue, de ce qui se perd dans le regard de ce paysage. Il y a l’obscur où errer, s’égarer, se perdre.
La peinture est corps de lumière en manque : ce sont des mots de  Claude Ollier.

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L’artiste regarde le paysage au moment même où le regard se perd ici et là dans les couleurs à la limite de l’insaisissable.

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La lumière est un nom de fin du jour.

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Le paysage n’est pas représentable, il est la reconnaissance éperdue du présent, de la présence dans les yeux et les mains de l’artiste. Ici, le dehors donne aux yeux et aux mains des points de retrait où les couleurs se retournent.

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L’artiste s’attache au moins du monde pour reprendre des mots de Roger Munier, qui dit encore : Est beau, non pas ce qui confirme, mais dissout l’apparence en sa fermeté, solidité, en son opacité aussi, la rend fluide. Et déjà la défait.

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Il y a ici des points de retrait, des creux pour donner, un temps, une forme passagère à l’inquiétude, pour frayer l’invisible dans la profondeur du paysage.

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Le paysage finit toujours par être abstrait, il se déplace de quelques couleurs seules et sombres vers l’obscur. L’artiste guette à l’extrême  l’invisible, part en reconnaissance dans le moindre repli.
L’ombre finit par parler bas avec la lumière.

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Y a-t-il toujours une perspective quand l’ombre parle bas avec la lumière ?

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La seule perspective du paysage est peut-être l’invisible, si ce n’est que l’invisible fait souvent défaut dans les yeux et les mains.
L’ombre s’efface au sol et au ciel, mais reste une touche de lumière pour peut-être reconnaître l’invisible.
Il n’y a plus rien en vue que la nudité.

Jean-Gabriel Cosculluela,  Août 2013, (texte écrit à l’occasion de l’exposition Du versant de l’ombre)